Haut : Marianne Denicourt

Un visage etrange et simple, mange par de grands yeux bleus : on a achete votre melange d’intelligence ainsi que discretion chez Doillon, Chereau et, naturellement, chez Arnaud Desplechin. Dans Haut bas fragile, elle reste « haut », petit fille bourgeoise qui prend ses distances avec 1 pere papa poule ­ J’ai filiation, c’est complique tel un coup de fil. Rivette a choisi de liberer toute une reserve de gaiete et de spontaneite enfermee dans votre long corps altier.

« Rivette a ete demande avec un projet sans histoire. Seuls etaient specifies la zone (Paris) et les personnages (des jeunes filles). Puis il m’a reclame si je savais danser : il avait envie de faire votre film en mouvement, m’a parle de couleurs, de legerete, de gaiete ­ gui?re au sujet, mais au traitement. Cela voulait integrer un cote « comedie musicale », mais avec des moyens reduits et dans un laps de temps libre tres court. Cela souhaitait que, au film, le chant, la danse soient arbitraires, surprenants. Il se decouvrait des fois une ame de choregraphe, au cours tГ©lГ©charger collarspace de scenes de comedie ou il est reellement precis au sein d‘ le parti pris des mouvements, du placement des mains par rapport a Notre camera.

Jusqu’au soir jour du tournage, nous ne savions gui?re precisement quelle scene allait etre tournee, c’etait tres ouvert.

Il y avait des reunions entre Rivette et les scenaristes, on se voyait le week-end et cela, c’est specifique a Rivette.

Avec les acteurs, Cela reste tres discret. Il a une maniere tres particuliere de s’imposer par le entetement a vouloir Realiser les choses, mais laisse beaucoup de liberte, autant a toutes les acteurs qu’aux scenaristes. Il bosse d’apres nos propositions emises d’apres votre agencement un peu mysterieux. Jamais je ne l’ai entendu apporter d’instructions sur la psychologie des personnages. Eventuellement, il donne des indications sur votre mot, dans une chose tres petite et tres precise a laquelle il tient particulierement, mais la liberte demeure immense ­ d’ailleurs il filme beaucoup par plans-sequences, avec peu de prises. Par exemple, dans la scene du « poulet », je fais une grimace : il l’a laissee. C’est une sorte de compte rendu. On collabore pour lui mais bien nous reste rendu, c’est 1 comportement tres genereux.

Au debut de la video, il avait un petit carnet au sein d‘ lequel il avait note des citations qu’il aimait. L’une d’elle etait de Nietzsche : « Ce qui compte ce n’est pas le quotidien eternelle, mais l’eternelle vivacite » ­ elle lui correspond tres beaucoup. Le temps n’a aucun prise dans lui, il a une curiosite insatiable d’adolescent, ainsi, faire un film aussi leger apres avoir traverse tant de generations, tant d’epoques differentes du cinema, c’est rare. »

Bas : Nathalie Richard

J’ai plus secrete des trois. Ses belles meches blondes ­ signe distinctif ­ semblent masquer 1 tres riche univers interieur. On l’a deja vue chez Rivette ainsi que chez Kahn, Klapisch, Assayas, Notre Roux ou Corsini. Elle est « bas », fleur du pave sans passe ni futur, qui survit de boulots temporaires ainsi que petits larcins. Fidele a sa ligne de conduite, Rivette ne juge pas le personnage.

« Rivette n’ecrit aucune scenario, il propose un projet et l’histoire se construit en commun. En premier lieu, il choisit quelques gens avec lesquelles il a le desir de bosser. Dans ce film, il voulait que la peau ait une grande importance, une difference via rapport a J’ai Bande Plusieurs quatre ou a Jeanne, ou le verbe etait la reference. Il voulait l’ete, Paris, la danse, le bonheur et souhaitait aller vers la comedie meme en abordant des sujets graves : un programme aerien, sans tomber dans la psychologie, ni dans la lecon de morale.

Avec Rivette, on passe un moment autour d’une table a chercher ensemble, a partager une imagination ou notre manque et, personnellement, je communique bon nombre plus avec Jacques qu’avec d’autres realisateurs. La preparation reste artisanale, ouverte, on regroupe une matiere et lui organise. Neanmoins, le rapport au jeu reste important, il est tres ludique. Chez lui, je retiens sa vivacite d’esprit, sa curiosite de tout type. Il est en mesure de aimer cela est a l’oppose de le uvre, ce qui denote une grosse ouverture d’esprit. Cela poursuit son chemin, offre son univers sans essayer de l’imposer.

Fragile : Laurence Cote

La plus bavarde, spontanee, extravertie des trois. Son itineraire a souvent croise celui des deux autres. On l’a deja vue dans Notre Bande des quatre de Rivette et on se souvient d’elle chez Doillon, Desplechin, Godard, Notre Roux, Gallota. Elle reviendra tres prochainement dans Circuit Carole d’Emmanuelle Cuau (la s’ur de Marianne Denicourt). Un bon reseau, digne d’un film de Rivette. Laurence Cote est « fragile », fille d’une Dass a Notre recherche de sa maman. Avec son histoire, Rivette trace une ligne droite a cote des sinusoidales croisees que sont « haut » et « bas ».

« Les deux fois ou j’ai travaille avec Rivette, j’ai participe au scenario. Sur La Bande des quatre, on faisait deja des comites d’ecriture. Cela a une culture cinematographique, litteraire, musicale immense : c’est 1 erudit. Pour Haut bas fragile, c’est moi qui l’ai appele, j’avais tres envie de retravailler avec lui. Si nous nous sommes vus, j’habite arrivee avec un scenario que j’avais ecrit. Jacques avait deja un projet avec Marianne et Nathalie, mais il cherchait une troisieme actrice. Ce que j’apprecie, c’est qu’il s’est totalement approprie le histoire. Cette qualite d’absorption, de reappropriation est une des caracteristiques de Rivette. Ce film est le sien, il l’a construit de l’ensemble de pieces malgre notre apport au scenario.